En 2022, plus de 130 000 couples ont divorcé en France. Derrière ce chiffre, une question brûle discrètement sous la surface : qui doit honorer les dettes contractées pendant l’union, quand l’idylle se brise ou que la vie commune vacille ?
En France, la règle de la solidarité entre époux pour les dettes contractées durant le mariage s’applique dans la grande majorité des situations, mais elle n’est pas absolue. Certaines dettes échappent à cette solidarité, notamment quand elles dépassent manifestement les moyens du ménage, ou si l’un des conjoints s’est lancé dans une dépense importante sans l’accord de l’autre.
Le choix du régime matrimonial influe aussi sur la donne, tout comme la nature de la dépense à l’origine de l’engagement. La loi fixe des garde-fous, multiplie les exceptions et nuance la portée de la solidarité, rendant le partage de responsabilité bien plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord.
Dettes du couple : ce que révèle la loi française
Le Code civil pose le socle de la solidarité entre époux pour les dettes nées pendant le mariage. L’article 220 place la dette ménagère au centre du dispositif : toute dépense faite pour entretenir le ménage ou élever les enfants engage de plein droit les deux conjoints. Le créancier n’a alors qu’à s’adresser à l’un ou l’autre pour obtenir la totalité du paiement.
La loi, pourtant, ne met pas toutes les dettes dans le même panier. Voici comment elle segmente les situations :
- Dette ménagère : Achats du quotidien, frais de scolarité, logement. La solidarité s’applique systématiquement.
- Dette personnelle : Crédit pour une initiative privée, achat sans rapport avec la vie de famille. Seul celui qui s’engage est responsable.
- Dette excessive : Dépense clairement disproportionnée par rapport aux ressources du ménage. La solidarité saute, sauf s’il y a eu consentement explicite ou mauvaise foi du créancier.
La solidarité des dettes ménagères relève de l’ordre public, rappelée à l’article 226 : impossible d’y échapper par une clause de contrat de mariage ou un accord privé. Mais l’article 220 fixe aussi des bornes : un achat démesuré, ou un crédit pris sans prévenir l’autre, s’il met en péril l’équilibre du foyer, ne lie pas le conjoint resté à l’écart.
La jurisprudence, notamment celle de la Cour de cassation, affine régulièrement l’interprétation de la loi. Son objectif : éviter d’imposer à l’un l’insouciance de l’autre. Chaque dette se jauge donc à sa contribution à la vie familiale, à son montant et à la bonne foi de chacun.
Êtes-vous vraiment tenu de payer les dettes de votre mari ?
La question n’est pas anodine : la solidarité entre époux ne transforme pas automatiquement l’un en débiteur pour toutes les obligations de l’autre. Le droit distingue selon la dépense, le régime matrimonial et l’origine des biens concernés.
Si un créancier veut récupérer une somme qui correspond à une dépense ménagère ou à un impôt, il peut saisir les biens communs du couple. Une voiture familiale, une facture d’électricité, un impôt sur le revenu : dans ces cas, la solidarité s’applique sans détour. A contrario, pour une dette personnelle prise pour financer un loisir ou une opération spéculative, la responsabilité ne s’étend pas à l’autre époux.
Voici concrètement les recours du créancier :
- Il peut saisir les biens communs du couple ainsi que les biens propres du conjoint débiteur.
- Il ne peut pas toucher aux biens propres ni au salaire de l’autre époux.
Les impôts dus au nom du couple engagent obligatoirement les deux conjoints : l’administration fiscale ne fait jamais d’exception. Pour les autres dettes, le Code civil protège l’épouse qui n’a rien signé : si vous avez payé plus que votre part sur une dette commune, vous pouvez demander à votre mari qu’il vous rembourse la différence. La responsabilité s’arrête là où l’autonomie patrimoniale commence. Sauf ruse ou accord explicite, les biens propres restent hors de portée.
Gardez en tête que chaque situation a ses particularités : la distinction entre dettes ménagères, engagements personnels et nature des biens concernés fait toute la différence.
Régimes matrimoniaux et responsabilités : comment s’y retrouver
Le régime matrimonial structure la façon dont les époux répondent des dettes. En France, la communauté réduite aux acquêts est la règle pour la majorité des mariages sans contrat particulier. Conséquence : toutes les dettes liées aux besoins du foyer engagent conjointement les deux époux, peu importe qui a signé. Cette solidarité ne se limite pas à l’alimentation : elle concerne aussi l’éducation des enfants, les frais courants, les charges du ménage.
Avec le régime de la séparation de biens, chacun reste maître de ses engagements. Les biens propres de l’épouse sont à l’abri des créanciers du mari, sauf si la dette est liée à la vie commune. Dès qu’une dépense concerne le foyer, la limite saute. En revanche, pour un crédit purement personnel, un projet individuel, par exemple,, seul le patrimoine du débiteur est exposé.
Le régime de la communauté universelle met tous les biens du couple dans le même panier, présents comme futurs : la moindre dette pèse sur l’ensemble du patrimoine commun. À l’opposé, le régime de la participation aux acquêts protège les biens propres tant que le mariage dure, mais prévoit un partage des gains à la dissolution de l’union.
À retenir : le régime primaire, applicable à tous les couples mariés, impose la solidarité pour les dettes ménagères, quel que soit le contrat choisi. L’article 220 du Code civil encadre strictement cette règle et la Cour de cassation rappelle régulièrement que le conjoint non débiteur reste protégé, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou d’abus caractérisé.
Pièges fréquents et conseils pour protéger vos intérêts
Le terrain est semé d’embûches. Les dépenses ménagères destinées à l’entretien du foyer ou à l’éducation des enfants activent la solidarité des époux, conformément à l’article 220 du Code civil. Pourtant, la frontière est loin d’être nette pour certains achats. Un achat à crédit ou un emprunt ne lie le couple que sous conditions précises : consentement explicite des deux conjoints, ou montant raisonnable et en rapport direct avec les besoins du quotidien. L’acquisition d’une voiture haut de gamme ou d’un placement financier aventureux ne sera jamais considérée comme une dette ménagère sans l’accord des deux.
Le divorce redistribue les responsabilités. Les dettes souscrites durant le mariage restent communes jusqu’à la dissolution, sauf clause contraire ou comportement abusif. Un avocat spécialisé peut vous éviter des mauvaises surprises face à la pression des créanciers.
Sur le terrain juridique, l’administrateur judiciaire a la possibilité de toucher aux biens communs pour couvrir les dettes professionnelles du mari. La caisse de garantie, de son côté, n’hésite pas à réclamer un remboursement à l’épouse selon la nature de l’engagement et la gravité de la faute.
Voici quelques mesures concrètes pour éviter les mauvaises surprises :
- Avant toute signature qui engage le couple, prenez conseil auprès d’un notaire ou d’un avocat.
- Pensez à revoir les clauses du contrat de mariage si votre situation évolue.
- Gardez un œil attentif sur la nature des emprunts et des dépenses pour anticiper tout risque de solidarité inattendue.
Dans cet univers juridique complexe, la vigilance et l’information restent vos meilleurs alliés. À chacun de garder la main sur ses choix et ses engagements, sans laisser l’incertitude décider à sa place.


