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Crédits carbone volontaires : qui les achète ?

7 décembre 2025

En 2019, le nombre d’achats de crédits carbone volontaires a bondi, franchissant le cap du double en seulement quelques années. Loin des radars réglementaires, la majorité des transactions s’opèrent en terrain libre, attirant aussi bien les géants multinationaux que les PME régionales, les institutions financières, et même des collectivités publiques.

Sur le terrain, certains acteurs tirent avantage d’une zone grise juridique, particulièrement en Afrique, pour multiplier les opérations à l’abri de tout contrôle rigoureux. Cette diversité de profils se traduit par une mosaïque de critères de sélection et de modes de suivi, qui génère de fortes variations dans la portée réelle des crédits carbone échangés.

Crédits carbone volontaires : comprendre leur rôle dans la lutte contre le changement climatique

Le marché carbone volontaire s’impose désormais comme un sujet brûlant. Sur tous les continents, de Paris à Nairobi, la demande grimpe en flèche. Mais que recouvrent ces fameux crédits carbone volontaires ? Leur principe est simple : financer des projets de séquestration ou d’évitement des émissions, offrant ainsi aux entreprises la possibilité de revendiquer une contribution carbone indépendante du marché réglementé du carbone.

Leur fonction affichée : aider à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Un crédit équivaut à une tonne de CO₂ effectivement évitée ou retirée de l’atmosphère. Mais derrière cette mécanique comptable, la réalité se complexifie. Les types de projets varient, allant de la reforestation à l’agriculture bas-carbone, en passant par des solutions technologiques de capture du carbone. Leur impact, lui, dépend largement de la qualité de leur certification. Les labels de compensation carbone sont censés garantir l’intégrité des projets, mais tous les labels ne se valent pas.

En France, la dynamique s’accélère. Entre volonté politique et pression citoyenne, l’objectif de neutralité carbone pour 2050 s’impose. Les chiffres sont éloquents : la demande mondiale a franchi la barre des 400 millions de crédits en 2022, alors qu’elle stagnait autour de 100 millions quelques années auparavant. Les stratégies s’affinent, oscillant entre compensation carbone et contribution carbone. Un équilibre fragile : financer la transition, oui, mais sans relâcher l’effort de réduction directe de ses propres émissions.

Qui achète des crédits carbone volontaires et pour quelles raisons ?

Le marché des crédits carbone volontaires séduit des profils variés. Les premiers à se lancer ? Les grandes entreprises cotées, énergie, aérien, numérique, qui veulent afficher une stratégie ambitieuse de neutralité carbone et répondre aux attentes croissantes des investisseurs, des clients et même des salariés, tous mobilisés autour de la réduction de l’empreinte carbone. Derrière elles, les ETI et PME s’engagent à leur tour dans la démarche.

Les motivations sont multiples, mais une tendance se dessine nettement : la plupart cherchent à compenser les émissions résiduelles, celles qui subsistent malgré les efforts internes. Cette compensation carbone volontaire prend la forme de soutien à des projets de contribution carbone tels que la reforestation, la transition énergétique ou l’amélioration de l’efficacité agricole. Certaines entreprises choisissent d’aller plus loin, intégrant la contribution carbone volontaire comme un axe fort de leur politique RSE et comme vecteur de différenciation.

Les institutions publiques ne sont pas absentes du mouvement. Quelques collectivités territoriales et acteurs institutionnels investissent le marché, souvent pour mettre en valeur leur territoire ou tester des solutions innovantes. De leur côté, ONG et fondations misent sur l’achat de crédits carbone pour amplifier leur action et mobiliser des ressources complémentaires.

Voici les principaux objectifs qui motivent ces achats :

  • Visibilité sur le marché et réputation : afficher une trajectoire de neutralité.
  • Conformité aux attentes des parties prenantes.
  • Diversification des actions RSE et innovation environnementale.

Le marché des crédits carbone volontaires fédère ainsi des acteurs venus d’horizons différents, chacun articulant compensation et contribution selon ses choix stratégiques et sa propre exposition au risque climatique.

Panorama des acteurs : entreprises, institutions et initiatives en Afrique

Sur le continent africain, la montée en puissance des crédits carbone volontaires façonne une dynamique singulière. De grandes entreprises internationales, de l’agroalimentaire à l’énergie, en passant par la finance, ciblent l’Afrique pour son potentiel en projets de séquestration à fort impact. Leur recherche porte à la fois sur le volume et la qualité des projets, privilégiant des certifications reconnues comme Verified Carbon Standard, Gold Standard ou le label français Bas Carbone, désormais reconnu au-delà des frontières hexagonales.

Côté africain, des entreprises locales émergent, déterminées à valoriser les ressources naturelles et à générer de nouveaux revenus. Elles se structurent autour de projets d’évitement et de séquestration des émissions : restauration de mangroves, agroforesterie, solutions de cuisson propre, gestion durable des forêts. Les crédits carbone générés trouvent preneur auprès d’acheteurs européens ou asiatiques désireux de diversifier leurs portefeuilles.

Les institutions publiques africaines se mobilisent aussi. Plusieurs États soutiennent la création de registres nationaux, espérant mieux capter la valeur locale et renforcer la transparence sur le marché volontaire carbone. Des agences spécialisées accompagnent la certification des initiatives, en lien avec les standards internationaux.

La société civile s’organise : ONG et collectifs investissent le champ de la contribution, parfois en partenariat avec des fonds à impact. Les enjeux d’intégrité et de partage de la valeur sont loin d’être résolus, mais l’Afrique s’affirme comme un véritable laboratoire pour le crédit carbone volontaire, au croisement de l’innovation et des Objectifs de Développement Durable.

Homme souriant observant un projet de reforestation en extérieur

Enjeux réglementaires et défis d’intégrité pour un marché en pleine évolution

Le marché carbone volontaire oscille entre innovation et incertitude réglementaire. L’apparition de multiples labels de compensation carbone, Verified Carbon Standard, Gold Standard, Bas Carbone, traduit la volonté de crédibiliser les crédits carbone. Mais la coexistence de standards concurrents brouille les repères pour les acheteurs.

Les pouvoirs publics tentent d’imposer des règles du jeu plus lisibles. En France, Paris s’active pour harmoniser les pratiques et renforcer la transparence. À l’échelle européenne, le « Carbon Removal Certification Framework » dessine les contours d’un futur marché du carbone réglementé. Pourtant, la frontière entre marché volontaire et marché régulé reste floue, ce qui instille une part d’incertitude chez les porteurs de projets.

Le nerf de la guerre ? L’intégrité environnementale. Il faut éviter la double comptabilisation, assurer la pérennité des réductions d’émissions et garantir un suivi fiable sur le terrain. Les scandales de crédits fictifs n’ont pas disparu. Aujourd’hui, chaque entreprise qui s’engage dans la compensation carbone volontaire doit prouver la réalité de chaque tonne évitée, chaque certificat, chaque projet financé.

Sur le plan financier, les prix évoluent sans repère stable. Cette volatilité nourrit la défiance. Certains projets africains, par exemple, peinent à trouver des financements, faute de perspectives claires sur la demande ou la stabilité des règles du jeu.

Trois défis majeurs structurent le secteur :

  • Réglementation fragmentée : multiplication des cadres, absence de standard global.
  • Contrôle et traçabilité : audits, registres numériques, certification indépendante.
  • Pression internationale : poids des exigences européennes, adaptation locale.

Dans ce contexte mouvant, les acteurs de la compensation carbone avancent à tâtons, et les investisseurs cherchent des garanties qui, souvent, demeurent hors de portée. Le marché évolue, mais sa maturité reste à bâtir : tout se joue désormais entre confiance, transparence et engagement réel sur le terrain.

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